« Miroir de glace montre-moi la grand-place »
L’homme dans son trône venait de marmonner l’incantation et se leva lourdement. Son visage aux traits tirés ses larges épaules et son front grisonnant se reflétait au travers des étincelles d’énergie qui prenait possession de la surface lisse.
Il observait ainsi la vie du petit village en contrebas de son château de givre. Le point d’observation donnait a voir toute la place et plus encore jusqu’au dit château. Un amas de pointe couleur translucide qui courrait erratiquement vers le ciel. Cela donnait toujours lieu a un spectacle lumineux des plus extraordinaires.
En contre-bas du point de vue du miroir se trouvait le marché. La vie y atteignait son cyclique paroxysme, les enfants chantant riant et pour les plus intrépides volant ce qui leur semblait bon. Les marchands des lieux proches venait monter leurs étals et les couples se donnait à être vu défilant presque théâtralement dans les allées.
L’homme était toujours heureux de percevoir cette espace. Depuis son terrible combat contre le seigneur de terreur de la région il n’avait point de lieu ou rentrer. Piégé comme il était dans le monde de glace qui l’entourait. Il ne pouvait qu’observer sa sale tête qui n’avait jamais pu trouver le repos d’une maison. Il était condamné à errer dans ces couloirs réfléchissant. Fort heureusement au travers de cette glace d’une épaisseur dantesque il existait quelques craquelures bien trop fines pour son gabarit mais qui offrait tout du moins la possibilité de recevoir des rations. Mais combien de temps pourrait-il manger a la seule évocation de sa gloire ?
Il se baladait dans les couloirs que le râle d’agonie du seigneur de terreur n’avait pas empli de cette glace permanente. Toujours agressé par des morceaux de son corps que la glace renvoyait dans une infinité de déformation. Il espérait pouvoir revoir le monde de lui-même et retrouver son autonomie. Il voulait plus que tout ressentir a nouveau le vent dans sa barbe et ses cheveux désormais hors de contrôle.
Grattant l’image de son visage il espérait que le métal de ses gants viendrait au moins un peu a bout de sa prison frigide. Il sentait cette froideur tout autour qui s’insinuait dans son corps autant que son esprit. Que la flamme de la fougue qui jadis l’avait porté a la victoire contre le seigneur de terreur n’était plus qu’une braise d’obstination et qu’il pourrait bien se laisser aller. Il suffirait de se rouler en boule et de fermer les yeux. Mais il refusait cette image. Il ne voulait pas en finir.
Revenant dans la grande salle et ses craquelures il trouva à l’une d’elle de quoi se sustenter. Il prit la miche et la vit plus bouger sur les murs que dans sa propre main. Revenant vers son trône il s’installa et reprit d’observer le monde au travers du miroir. Il savait que le miroir pouvait accéder a d’autres endroits et même observer le monde en mouvement si tant est que quelqu’un avançait dans la ville un miroir au clair. C’était après tout ainsi que l’ancien seigneur faisait régner sa terreur. Mais lui n’avait personne qui se baladait avec de telles coutumes d’horreur. Il n’avait pour ainsi dire que le grand miroir de la grand-place bien trop haut et grand pour être retiré sans danger qui lui servait de contact au monde.
Ayant fini de se restaurer l’homme reprit son exploration. Il avait trouvé a demi pris dans la glace de quoi écrire un plan pour se souvenir des lieux fouillés plus aisément. Mais hélas ce plan ne faisait que confirmer la multitude de cul-de-sacs que ça soit à cause d’un passage de la glace ou d’autre dégâts structurels dus a l’apparition de celle-ci.
S’engageant dans le dernier couloir qui lui était donné d’arpenter sans trop de gêne il perçût une chose des plus irrégulières. Une lumière de l’autre côté d’un pan de givre, et chaude qui plus est la lumière se révélant au travers d’un trou au centre d’un mur humide plus que frais ou l’on observait de véritable goutte perler. Pris d’un espoir fou l’homme se projeta, l’épaulière comme bélier sur ce mur et ses promesses.
L’obstacle vola en éclat dans un spectacle de réflexions lumineuse multiples. Après tout ce temps passé a lui renvoyer son déclin le givre qui en suspension autour de l’homme semblait l’envelopper de toute la beauté d’un arc-en-ciel.
Derrière le mur qui déperlait se trouvait un artefact de légende. L’homme n’en revenait pas. Dans la caverne sphérique qu’il venait de pénétrer régnait une chaleur humide. La source de celle-ci était la lance faiblement illuminée qui trônait majestueusement sur un piédestal. Cette lumière dans la pénombre auquel était habitué l’homme dans ses recherches magnifiées par les reflets que renvoyaient les bords de la voûte sphérique donnait lieu a un spectacle enchanteur.
L’homme resta quelques instants fasciné par la beauté du spectacle qu’il avait sous les yeux. Puis la flamme de la fougue à nouveau ravivée prit à pleine main cette lance finement sculptée dont le bout de la hampe était décoré de dorure semblant imiter le soleil.
Courant à travers les couloirs devenus arc-en-ciels il pénétra en trombe dans la grand-pièce. Il était entré par elle. Il ressortirait par elle. Dans sa main la lance semblait gagner en radiance à mesure que l’homme retrouvait sa confiance si longtemps mise en pièce. Le corps enhardi par cette lumière chaleureuse l’homme ne prit pas de pause. Lancé a pleine vitesse il percuta, lance en avant, l’endroit dont il se souvenait de la porte. L’impact éveilla la nature de la lance projetant un brasier blanc et doré sur toute la surface du givre emplissant la pièce de reflets aveuglant en une fraction de secondes.
Lorsque jeté aux sol l’homme retrouva la vue il fut accueilli par une lumière cette fois toute naturelle. La détonation avait fait fondre la glace et enfoncé les gonds de la grande porte qui se trouvait auparavant derrière et était désormais écrasés au sol
l’homme n’en revenait pas, sa prison de glace avait pris fin et avec elle son isolement.